Suivre la parade… ou trois raisons pour lesquelles les organisations devront prendre en compte la santé mentale dans leur mode de gestion

paradeLes formations offertes aux gestionnaires et aux conseillers en ressources humaines constituent un bon baromètre des préoccupations actuelles dans les organisations du travail. Un des thèmes récurrents dans cette offre de formation concerne la rétention et la motivation des employés. De plus en plus, les organisations sont confrontées à des difficultés pour attirer et retenir des employés répondant à leurs critères et ce, pour plusieurs raisons. Cette difficulté peut être liée, par exemple, à une pénurie de main-d’oeuvre qualifiée dans un secteur particulier ou bien à la concurrence entre les entreprises qui tentent d’offrir des conditions de travail plus avantageuses que leurs compétiteurs. Toutefois, un des facteurs clés des différents mouvements de personnel observés dans les dernières années concerne l’attention accordée à la santé mentale des employés et des gestionnaires au sein des organisations.

En effet, les recherches ont permis d’identifier la présence, en milieu de travail, de risques psychosociaux qui affectent le bien-être des employés et des gestionnaires en augmentant le stress au travail et la détresse psychologique. On constate déjà, notamment dans les organisations publiques, une augmentation des absences prolongées attribuées à des problèmes de santé mentale. Toutefois, de plus en plus, une absence de reconnaissance de cette réalité par les organisations provoquera tout simplement le départ des employés vers un autre milieu de travail. Voici pourquoi.

1- Nous sommes actuellement confrontés à des changements culturels et générationnels qui redéfinissent notre rapport au travail.

On en parle beaucoup et de plus en plus… La génération Y, ou millenium, a fait son entrée sur le marché du travail et oblige les organisations à ajuster leurs pratiques de gestion. Bien évidemment, il ne s’agit pas d’un bloc monolithique : tous les « Y » ne présentent pas les mêmes caractéristiques. Toutefois, la perception qui se dégage de cette génération et les comportements qu’on leur attribue nous amène à réfléchir différemment.

D’une part, bien que le travail continue d’occuper une fonction importante de survie (il faut bien payer l’épicerie!), un très grand nombre de « Y » identifie clairement le travail comme une voie vers l’accomplissement et la réalisation de soi. Toutefois, cette réalisation de soi ne passe pas que par le travail, et celui-ci ne doit pas éclipser les autres priorités : la famille, les amis, les loisirs, etc. Ces travailleurs recherchent également des entreprises ou des organisations qui font preuve d’une éthique entrepreneuriale; leur travail se doit d’être socialement utile et contribuer à une cause plus grande que la recherche de profits. En résumé, ils veulent que leur vie professionnelle ait un sens et s’intègre dans leur vie personnelle sans occuper toute la place.

D’autre part, les travailleurs de la génération Y entretiennent un rapport différent à leurs employeurs et à la hiérarchie en général. Ils recherchent une forme de réciprocité dans leurs relations. Cette recherche de réciprocité les amènent à considérer leur gestionnaire comme un mentor ou un pilier de soutien à leur travail plutôt qu’un chef qui dirige et décide. Par ailleurs, ils sont conscients des exigences de plus en plus grandes du monde de l’emploi : performance, efficacité, flexibilité, capacité d’adaptation ne sont que quelques-unes des qualités recherchées par les employeurs. Ces exigences peuvent constituer un moteur vers le dépassement de soi. Le fait d’y répondre mérite toutefois d’être reconnu, que ce soit par des avantages financiers et sociaux mais également par une culture de reconnaissance et des comportements qui en témoignent : latitude, confiance, soutien, etc. En résumé, ces travailleurs valorisent leur travail et leur contribution et s’attendent à ce que l’organisation leur offre les conditions leur permettant de participer le mieux possible à la vision organisationnelle.

2- Les liens entre la santé mentale et le travail sont de plus en plus documentés et connus du grand public.

Nous avons, au Québec, une chaire de recherche dédiée aux questions de gestion de la santé organisationnelle et de la sécurité au travail. On y traite notamment des enjeux de santé mentale au travail. Des recherches y sont financées et menées, dont les résultats continuent à documenter de façon plus précise les liens entre le travail et la santé mentale… et ces liens sont nombreux! 

Qu’il s’agisse des modes de communication, des formes de reconnaissance offertes, de la charge de travail demandée ou des relations hiérarchiques, on prend rapidement conscience que tous les aspects de la gestion d’une organisation ont des impacts, positifs ou négatifs, sur le bien-être des employés et gestionnaires. Mal comprendre ces enjeux, c’est risquer de provoquer un stress inutile qui, prolongé sur une longue période de temps, peut se transformer en détresse psychologique et finalement se métamorphoser en problème de santé mentale qui nécessitera alors un arrêt de travail et des soins spécifiques.

Toutefois, comme il a été suggéré en préambule, les travailleurs sont de mieux en mieux informés des données issues de la recherche, notamment grâce à l’accessibilité de cette information dans l’Internet, et sont de plus en plus réticents à conserver un emploi qui les met à risque d’épuisement professionnel. Plusieurs quitteront leur emploi s’ils identifient des risques accrus pour leur santé. Mieux vaut alors, pour les organisations, agir de façon préventive plutôt que curative…

3- On observe un déclin des conditions de travail dans plusieurs types d’organisation, ce qui incite les travailleurs à explorer d’autres possibilités.

Le concept de sécurité d’emploi fait de moins en moins partie du vocabulaire des travailleurs, qu’ils soient employés ou gestionnaires… Nous évoluons de plus en plus aujourd’hui sur une corde raide professionnelle, avec des repères moins ancrés pour planifier l’avenir. Par ailleurs, on constate aussi une stagnation du taux de syndicalisation au Québec, ce qui contribue à ce sentiment de plus grande insécurité.

En parallèle avec ces constats, on observe également une augmentation de la proportion de travailleurs qui se tournent vers le travail autonome. Alors que certains y voient une conséquence de la détérioration du milieu de l’emploi qui oblige les travailleurs à se tourner vers des formes alternatives de travail, on apprend que 60% d’entre eux disent s’être tournés vers la travail autonome par choix et non pas par obligation.

En résumé, dans notre économie du savoir et de l’information, les organisations traditionnelles, qu’elles soient publiques ou privées, seront, dans les prochaines années, soumises à des défis importants quant à la rétention d’employés, que ce soit par l’attraction d’employés motivés, engagés et qualifiés mais aussi, dans une autre mesure, par le prévention du surmenage et de l’épuisement professionnel qui mène alors à des arrêts de travail. Les mouvements de personnel, peu importe leur cause, coûtent cher, comme nous le verrons dans un prochain article. Une des voies pour répondre à ce défi réside dans une attention portée à la santé mentale au travail. Pourquoi donc ne pas commencer dès maintenant à réfléchir aux options qui permettront de s’attarder à cette réalité?

Votre organisation s’occupe-t-elle des enjeux liés à la santé mentale au travail? Si oui, de quelle(s) façon(s)? Faites-nous en part!